Les Urgences, hôpital de Chalon sur Saône
"Vous qui entrez ici, laissez toute espérance!"
Vous ne savez pas, en arrivant ici, après une fracture du tibia que les murs d'une prison se refermeraient sur vous...
Arrivée en ambulance et déposée sur un lit en attente, rejointe par vos enfants inquiets ils vous font attendre, attendre...Mes enfants fatigués demandent quand je verrai le Docteur?bientôt...Il est 11h, un infirmier vient me chercher, enfin et conduit le brancard le long des couloirs blancs. On arrive dans une petite pièce et là on me dépose et on s'en va...
J'inspecte les lieux faiblement éclairés, des placards de pharmacis, des appareils mystérieux, une horloge au mur égrenne les heures, des flocons. Cela sent le désinfectant. Un lavabo et un genre de pupitre seront mon environnement.
Le brancard est dur. J'ai mal au dos...
Il est minuit. Que fait ma famille? et le Docteur?
La peur me saisit...je crie...j'appelle, personne ne répond...une infirmière passe, je lui demande "où est le docteur"...pas de réponse!Une envie pressante me torture: "comment faire pipi attachée sur un brancard?" je regarde l'horloge: bientôt 1h...
Il faut que je trouve un moyen de me soulager. j'essaye de glisser les courroies de mon brancard...une jambe, une autre. je tiens accroupie et urine par terre, en tremblant. Je me remets en place comme je pense. Pourquoi suis-si loin des miens? Je crie en demandant de l'aide. Hélas! personne ne répond...Je sens une angoisse monter en moi...mes nerfs craquent. Le brancard me tale le dos. Les heures passent: 2h, 3h...je ne pense plus crier....je prie pour que cesse cette torture et que mes enfants viennent me retrouver.
La vie continue autour de l'hôpital. personne ne se doute qu'aux urgences, on terrifie les malades par un silence convenu, une inaction complète, un oubli volontaire. Il est 4h, quand verrai-je terminer mon supplice?
Des voix et des pas se rapprochent...enfin!
Ma fille qui discute avec le Docteur arrive: elle s'étonne, demande des explications. La colère que je tenais concentrée éclate! cela ne se passera pas comme cela...je porterai plainte!il paraît que je suis là pour une sciatique! J'ai trop crié tandis que le médecin saignait un homme qui avait un couteau planté dans la poitrine...
Pauvre service des Urgences! Pas de personnel. Le règne du silence et du mépris du malade.
Je suis envoyée à la radio pour enfin examiner mon cas...
Retour près du docteur, examen de la radio et tout à coup...surprise:" Madame je vous fais mes excuses. Vous avez une fracture du tibia".
Je vais être hospitalisée et retrouver enfin mes enfants qui ont passé toute la nuit à attendre la compréhension du service infirmier.
Aujourd'hui 12 février je suis de retour à la maison. Je ne marche pas encore sans mon déambulateur mais je suis chez moi et ne suis pas prête à oublier ma nuit aux urgences et la conspiration du silence.
GISELE